Entretien Claire LACAZE, une praticienne au service des sportives et des sportifs...
Auteur : Publié le 11/03/2024 à 08h12 -Ce mois-çi, nous partons dans le département des Hautes-Pyrénées plus précisèment dans le studio Akitsu à Tarbes. Claire LACAZE partage ce magnifique témoignage à propos de son approche auprès du monde professionnel sportif. Utilisant plusieurs techniques venues du Pays du Soleil Levant, elle est d'abord une praticienne expérimentée en shiatsu et plus récemment en sokuatsu. Bonne lecture !
En préambule de cet article, nous rappelons que les méthodes shiatsu ou sokuatsu proposées ne sont en France, ni des massages au sens médical conventionnel du terme, ni des méthodes thérapeutiques reconnues (même si nous pouvons l'espérer peut-être un jour) par le monde scientifique médical et para-médical français. Le shiatsu ou le sokuatsu sont des méthodes manuelles et pédestres de relaxation et bien-être, qui peuvent s'inscrire dans une approche en prévention santé bien-être. Elles ne sont pas utilisées et reconnues par la législation actuelle française (maj 11/03/2024) comme thérapie ou outil curatif. Un professionnel en shiatsu ne fait ni de la médecine traditionelle, ni de la médecine chinoise, il ne guérit pas, ni ne soigne les maladies. Chaque professionnel inscrit sur notre site répond à un code de déontologique.
Bonjour Claire, peux-tu te présenter :
Je m’appelle Claire Lacaze et je suis praticienne de shiatsu (certifiée par la FFST). Je suis installée dans mon cabinet à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées depuis trois ans et je travaille régulièrement avec des sportifs de tous niveaux et de tous types de sports : course à pied, boxe, MMA, haltérophilie, fitness, yoga, football, etc. J’ai aussi accompagné une équipe féminine de basket-ball dans le cadre de mon mémoire de fin d’études de shiatsu.
Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Bien sûr ! Mon sujet concernait l’application du shiatsu à des sportives professionnelles et de haut niveau. Ma démarche était de mettre en évidence l’incidence et l’efficacité du shiatsu sur la récupération, l’optimisation des performances et la prévention d’éventuelles blessures sur un public de sportives dont le corps était utilisé quotidiennement et avec un engagement personnel et physique poussé à l’extrême.
Qu’est-ce qui t’a amenée à choisir le sport comme sujet de prédilection ?
Je me suis toujours intéressée au sport. J’ai pratiqué plusieurs disciplines en amatrice (volley-ball, natation, course à pied, arts martiaux…) et l’étude du shiatsu m’a convaincue de la pertinence d’intégrer cette pratique au parcours de récupération et d’optimisation des performances. Au cours de mes recherches, j’avais d’ailleurs trouvé des pistes qui abondaient dans ce sens : une étude italienne notamment avait été menée sur des athlètes professionnelles d’une équipe féminine de volley-ball. Sur deux groupes, un seul avait reçu une séance hebdomadaire de shiatsu pendant trois mois, les deux groupes étant soumis aux mêmes entraînements et compétitions. À l’issue des trois mois il avait été constaté une augmentation des forces élastique et explosive du groupe qui avait reçu du shiatsu. Ceci avait vraiment attiré mon attention et j’ai voulu le vérifier par moi-même. Je me suis donc mise à la recherche d’un groupe d’athlètes professionnels.
Comment t’y es-tu prise ?
J’avais un contact dans le club féminin de basket-ball professionnel de ma ville auquel j’ai demandé l’autorisation de solliciter les joueuses pour participer à mon étude. Il pensait qu’elles ne seraient pas intéressées, mais devant mon insistance il a fait le nécessaire pour me permettre de venir à la fin d’un entraînement et leur présenter mon projet. J’avais préparé mon texte, qui devait être court car je n’avais que quelques minutes pour les convaincre avant qu’elles ne rentrent chez elles pour leur pause. À la fin de l’entrainement le coach a réuni les joueuses au centre du terrain et m’a fait signe de m’approcher. J’ai rapidement, mais avec enthousiasme, présenté mon projet. Et quand je leur ai demandé si quelques-unes d’entre elles étaient intéressés pour participer à mon étude, j’ai eu la surprise de voir toutes les mains se lever ! Je n’avais besoin que de cinq personnes, mais j’ai choisi de toutes les recevoir afin de me permettre de valider ma théorie. D’un autre côté, j’avais aussi envie de vérifier dans quelle mesure le travail au niveau individuel pouvait avoir une incidence sur le plan collectif en termes d’optimisation des performances et donc de résultat de l’équipe au niveau du championnat. J’ai toujours été d’un naturel optimiste…
Peux-tu nous parler de ton groupe de sportives ?
Cette équipe était constituée d’une dizaine de joueuses françaises et étrangères qui évoluaient au niveau national et international. C’étaient donc des personnes qui avaient une grande expérience du basket-ball malgré leur jeune âge. Au moment de mon étude elles avaient entre 18 et 33 ans. Elles avaient donc été habituées très tôt (entre l’âge de 4 et 8 ans) à pousser leur corps toujours plus loin et à dépasser les douleurs afin de répondre aux exigences requises pour devenir des sportives de haut niveau.
Peux-tu préciser cette notion de « haut niveau » ?
Oui, le sport de haut niveau représente l’excellence sportive et celle-ci impose une discipline et une rigueur particulières et des sacrifices personnels importants. L’engagement physique est très intense et les sportives ont l’habitude d’amener le corps à sa limite. C’est une course à la performance et à la réussite qui implique qu’elles flirtent toujours avec le surentraînement. Elles doivent donc puiser dans leurs réserves pour continuer d’avancer malgré la fatigue, les tensions physiques et les blessures. De ce fait, on constate que leur tolérance à la douleur dépasse largement celle d’une personne lambda. La douleur fait partie du métier et est complètement acceptée et intégrée. En d’autres termes, sport professionnel ou de haut niveau rime inévitablement avec "douleur" et "souffrance".
Quelle est selon toi la différence entre les termes "douleur" et "souffrance" ?
Dans l’usage, on va généralement attribuer la notion physique à la douleur et la notion psychique à la souffrance. Des recherches en sociologie du sport ont montré que la douleur est toujours acceptée par les sportifs, alors que la souffrance est la réelle ennemie car elle ébranle les ressources de l’individu. J’ai pu le constater tout au long de la saison avec les joueuses. Par exemple, certaines souffraient des tendinopathies dont elles n’arrivaient pas à guérir car il leur était impossible de s’arrêter (on sait que le repos – ou tout au moins l’arrêt des mouvements qui ont entraîné la blessure – fait partie des traitements les plus efficaces pour soigner la tendinopathie). Les raisons de leur incapacité à s’arrêter étaient multiples, mais il leur était surtout impensable de s’arrêter « pour si peu ». Leur participation assidue à l’entraînement leur assurait du temps de jeu en match. C’était le plus important, ce pour quoi elles se levaient le matin. Elles toléraient donc cette douleur et continuaient sans rien montrer. J’ai l’exemple d’une joueuse à qui je demandais à chaque début de séance si elle avait des douleurs ou des tensions. Elle me répondait toujours « ça va » et c’est au cours de la séance qu’elle se rappelait soudain qu’elle s’était luxé l’épaule à la muscu, ou que lors d’un choc pendant un match elle s’était déplacé le bassin. C’est à ces moments que je réalisais la réelle distanciation qu’elle mettait avec son corps. Mais en ce qui concerne la souffrance, j’ai noté pour cette joueuse, et pour toutes les athlètes, qu’elle se présentait souvent quand elles ne se sentaient pas entendues dans leur douleur. Il est arrivé à plusieurs reprises que des joueuses se blessent et qu’elles ne soient pas soignées de façon adéquate car l’équipe médicale n’était pas disponible (par manque d’effectif ou de moyens) ou minimisait les blessures. Elles devaient donc trouver des solutions par elles-mêmes pour se soulager, si elles y arrivaient. Et cela ajoutait systématiquement de la souffrance à la douleur.
Comment as-tu travaillé avec elles ?
En plus de séances longues environ tous les dix jours, j’ai ajouté des katas de récupération plus cours (15 à 20 mn environ), deux fois par semaine entre l’entraînement du matin et celui de l’après-midi. Ces séquences courtes permettaient d’apporter une détente immédiate tout en aidant à activer la circulation du sang dans les muscles et optimiser la récupération. Les résultats ont été très encourageants : nous avons pu constater un meilleur endormissement (pour la sieste entre les entraînements et la nuit) et un sommeil plus réparateur, une diminution des courbatures, un meilleur enchaînement des entraînements, la disparition de certaines douleurs.
Penses-tu avoir validé ta théorie de base ?
En toute honnêteté, je pensais qu’il serait plus facile de démontrer l’efficacité du shiatsu sur des personnes en bonne santé qui utilisaient beaucoup leurs corps. Mais j’avais complètement omis le fait que cela dépendait de la condition essentielle, et évidente finalement, que la personne soit en mesure d’écouter son corps. Le fait que ces athlètes aient été formatées à endurer la douleur et à la mettre à distance les empêchaient d’être en connexion avec leurs perceptions notamment de fatigue et de douleur. J’ai finalement orienté mon attention sur cette notion. Il ne s’agissait pas uniquement de chercher à améliorer le physique, mais aussi à les accompagner dans la prise de conscience de leurs limites, physiques et psychiques. À l’issue de mon travail avec elles j’ai pu constater qu’elles étaient, par exemple, plus capables de me parler de leurs ressentis physiques et émotionnels et de prendre la juste mesure de leur fatigue. J’ai aussi constaté que pour la plupart, elles appréciaient de pouvoir s’exprimer librement et surtout d’être entendues sans être jugée et trouvaient dans ces moments un espace de liberté et de détente. J’ai continué à travailler avec plusieurs d’entre elles pendant trois ans. Outre les bienfaits physiques, elles ont vu de réelles améliorations sur la gestion des émotions et du stress. Par la suite, certaines ont été sélectionnées régulièrement en équipe de France pour les Jeux olympiques ou le championnat du monde en équipe de 5 ou de 3.
Tu as travaillé avec d’autres sportifs, peux-tu nous en parler ?
Oui, dernièrement, j’ai participé à un championnat de boxe et de MMA en tant que praticienne de shiatsu. J’ai pu faire découvrir la pratique à de nombreux combattants. J’ai associé le sokuatsu au shiatsu dans mes séances et ceci s’est révélé particulièrement efficace. J’ai l’exemple d’une combattante de MMA qui a réussi à perdre les 900 g qu’elle avait en trop pour la pesée du lendemain, tout en passant une bonne nuit de sommeil et en gagnant une belle énergie pour sa journée de compétition. Plusieurs autres combattants sont repartis plein d’énergie et ont gagné leurs combats. Ils étaient tous très talentueux, mais, comme pour les basketteuses, j’ai envie de croire que le shiatsu a contribué à leur victoire !
Intègres-tu souvent le sokuatsu à ta pratique avec les sportifs ?
Oui, c’est une pratique vraiment fantastique pour les sportifs. J’ai eu l’occasion de faire des séances sur des athlètes très tendus après des sessions de sport intenses et ils sont ressortis, joyeux et allégés. C’est le retour que j’ai à chaque fois : une grande détente et le corps beaucoup plus léger et relâché qu’à l’arrivée. Le fait d’associer le shiatsu et le sokuatsu est très efficace et vraiment moins exigeant physiquement pour moi, surtout quand je travaille avec des gros gabarits (boxeurs, rugbymen, basketteuses de presque 2 mètres). Mais on peut travailler sur tout type de personnes avec de super résultats. Sportifs ou personnes sédentaires, tout le monde y trouve un réel soulagement
En conclusion ?
Et bien, je dirais que je suis persuadée que le shiatsu et le sokuatsu ont leur place dans le monde du sport. Je ne peux que le constater quand des athlètes épuisés viennent s’allonger sur mon futon et repartent revigorés, apaisés, souriants et les jambes plus légères ! Mais c’est aussi le cas pour des personnes sédentaires. Mon objectif et d’essayer de faire connaître ces pratiques au plus grand nombre de personnes dans ma région. J’essaie donc de participer à des évènements sportifs et des salons pour faire connaître ces pratiques. Je participerai d’ailleurs avec mon futon à une compétition de crossfit dans quelques mois.
Merci Claire et bonne continuation !
©C.Lacaze - A.Tadic
©C.Lacaze - Technique Sokuatsu
©C.Lacaze - Technique Shiatsu (mobilisation)
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