Chronique « Qu'est-ce que le Do In ? »
Auteur : Publié le 23/04/2020 à 08h37 -On lit beaucoup d'articles à propos du Do In. Certains pensent que le Do In est du shiatsu que l'on se donne. Serait-ce alors de l'auto-shiatsu ? D'autres pensent qu'il est une méthode issue du shiatsu. Mais qu'en est-il vraiment ? Quels liens existent-ils entre Do In et Shiatsu ? Je vais essayer d'apporter un premier éclairage à travers cette chronique. Le Do In est d'abord une méthode japonaise. Soucieux de valoriser leur travail et souhaitant différencier ce qui vient de l'étranger, les japonais l'ont appelé Do In car venant de Chine.
Définition du Do In
On pourrait tout simplement dire que le Do In est une expression japonaise issue des termes chinois Tao Yin ou Dao Yin. Regroupant les mouvements et les techniques de gymnastique les plus anciens de Chine et considéré comme l’ancêtre du Qi Gong ou Chi Kong.
Allons toutefois un peu plus loin...
Le mot Do vient de l'idéogramme traditionnel 導 comportant 3 clés et a grosso modo le sens du kanji bien connu 道 c'est-à-dire Tao qui regroupe les notions de voie, chemin, route, direction, souffle. Mais l’ancien idéogramme 導 contient une clé supplémentaire celle d'un doigt dirigé vers le bas qui précise la notion de montrer, guider vers.
Le mot In vient du kanji 引 signifiant le fait de tirer, de bouger, de guider. Et ce kanji est composé de 2 caractères 弓 en chinois gōng pour arc et丨gǔn pour corde. Donnant ainsi le nom littéralement corde arc yin 引 yǐn.
Le Do In ou Dōin peut se traduire par une phrase comme étendre ses membres afin d’atteindre un objectif ou encore ouvrir les canaux et favoriser le mouvement de l’énergie le long d’itinéraires spéciaux.
On le définit en quelque sorte comme un micro yoga contenant des mouvements plus nombreux et plus précis que ceux du yoga traditionnel. Il est un art des gestes qui (re)donne de l’énergie.
Les origines du Do In
On dit bien souvent que le shiatsu est issu de la médecine traditionnelle chinoise ; ce qui est à la fois vrai et faux. Rappelons que le shiatsu est spécifiquement japonais. Son élaboration fut très lente, grandement influencée certes par la médecine chinoise mais aussi par la médecine occidentale notamment ses pratiques manuelles comme la chiropraxie et l'ostéopathie. Et même par sa psychologie et relaxologie. Shizuto Masunaga Sensei, le fondateur du Iokai, n'a pas hésité à intégrer dans ses katas des éléments émis par Dr Hans Selye, Dr Johannes Heinrich Schultz, Carl Rogers ou encore Sigmund Freud !
En revanche, il est communément approuvé que le Do In est issu de la médecine chinoise c'est-à-dire de la médecine antique dite taoïste ; et c'est justement pour souligner cette origine culturelle que les japonais l'ont appelé Do In en gardant les mêmes caractères Dǎo yǐn 導引 en chinois traditionnel ou 导引 en chinois simplifié.
Le Do In est donc du Dao Yin ?
La question devient logique mais la réponse est plutôt non.
Parler du Dao Yin c'est toucher à l'essence même de la médecine chinoise dite traditionnelle. Car le Dao Yin est l'une des méthodes taoïstes de maintien de la santé.
Il est bon de savoir que le Dao Yin est une méthode globale de santé qui regroupe au moins 30 sortes et familles : Massage (An Mo), Mobilisation (An Qio), Kung Fu, Qi Gong, Tai Chi, Acupuncture, Moxibustion, Médicaments (phytothérapie), etc.
Sans compter les innombrables (incalculables?) formes et courants selon les écoles et les régions géographiques !
Profitons-en pour souligner ici les grandes divergences culturelles sino-japonaises. Les chinois ayant plutôt tendance à accumuler, empiler, assimiler et tout absorber [je mentionne dans un précédent article une super marmite des soins de santé chinois où l'on ajoute sans cesse des ingrédients]. Au Pays du Soleil Levant, l'accent porte plutôt sur le classement, la catégorisation, le nettoyage et seul reste ce qui fonctionne.
Parmi ces courants soulignons par exemple le Qigong dont voici une brève définition : C'est une méthode d'auto-exercice qui optimise l'esprit (santé mentale) et le corps (santé physique) grâce à l'utilisation de la conscience. Même si la méthode est ancienne, son nom n'est rendu officiel que dans les années 1950 par le gouvernement ; et ne devenant populaire qu'après les préconisations de médecins comme Liu Guizhen de la province du Hebei. Les échanges avec l'Occident notamment avec les Etats-Unis ayant aussi motivé cette démarche de la part des autorités chinoises.
Originellement, Qigong est établi comme système de vie qui contient trois éléments :
- Dieu,
- Forme,
- Qi.
Le terme Qi étant le troisième élément car il est le messager, celui qui communique, celui qui fait la relation entre "Forme" et "Dieu", la forme terrestre (incarnation) et la forme divine (Céleste).
Ou les pratiques Do In et Ankyo (ou Enkyo) qui auraient été attribués aux peuples les plus cultivés des plaines centrales de Chine où l’alimentation était diversifiée. Ankyo signifiant le fait de "masser" les méridiens et bouger les parties du corps. L'idée étant toujours celle d'améliorer la circulation du Ki qui est le fondement même de la vie.
Do In s'opérant sur soi-même alors que pour Ankyo les mobilisations s'effectuant en binôme.
Continuons maintenant le propos sur le Dao Yin.
Le Dao Yin
Tao et Dao sont un même mot pouvant être écrit de deux façons "modernes" traditionnelle et simplifiée. Il y a en réalité d'autres écritures plus anciennes qui seront développées dans une prochaine chronique. L'idéogramme 導 contient les traits de Tao 道 comme dans la Voie, le chemin, le route mais avec la clé du pouce ou d'un doigt qui guide, qui oriente, qui conduit vers la Voie. L'idée est ici de montrer la Voie.
En tant que méthode globale et unique de maintien de la santé, il a été développé à travers diverses dynasties : dynastie Zhou, dynastie Tang, dynastie Song, dynastie Qing (Qin), dynastie Yuan, dynastie Ming, dynastie Han.
L'expression Dao Yin fait littéralement référence à conduire l'esprit à cultiver l'âme, la façon de prolonger la vie et la technique pour rester en forme.
Dans le classique médical de la dynastie des Han l'incontournable "Huangdi Neijing", il y a des références à la structure du corps humain : tendons, poitrine, abdomen, ventre... On y parle littéralement de Thérapie Guidée avec des indications résumées : atrophie, convulsions, notions de froid, de chaleur...
Et dans le fameux Su Wen, il y a des références aux nourritures, climats, constitutions physiologiques comme la traduction : "Le centre, son sol est humide et le monde est plein de toutes choses. Sa nourriture est diverse mais pas laborieuse donc la maladie est beaucoup plus froide et chaude, et son traitement doit être guidé en fonction de la situation."
Le Dao Yin consiste originellement à secouer les os, assouplir les articulations, masser la peau.
Avec des conseils également comme l'acupuncture, le tapotement, la déglutition, le souffle (expiration profonde), le peignage à sec des cheveux, le nettoyage à sec du visage, le frottement des oreilles, l'essuyage des pieds, le frottement des reins, les frictions globales, les vomissements, etc.
Les exercices intégrent, bien souvent sous forme de série, la suggestion (mental) et la contemplation (méditation).
On peut dire sommairement que le Dao Yin contient des exercices taoïstes impliquant la respiration, les étirements et l'automassage. Et qu'il est la méthode culturelle typique du régime traditionnel chinois avec une longue histoire d'environ 5 000 ans, principalement utilisée pour réguler le Qi (Ki) et le sang, et, traiter les maladies.
Le Do In au Japon
Le Tao Yin arrive au Japon aux environs du 5ème siècle. Les techniques importées de Chine bien souvent vénérées par le peuple japonais, de la médecine à la religion bouddhiste en passant par l'écriture. Si l'on écarte les caractères nationaux nés au Japon kokuji 国字, l'écriture japonaise kanji 漢字 vient du système d'écriture de l'ethnie chinoise han.
Les Japonais identifient les massages chinois issus du Dao Yin en plusieurs familles :
- Anmo (devenant Anma ou Amma)
- Do In Ankyo (pour les mobilisations ensuite intégrées au Amma et au Shiatsu)
Dans le livre Ishinpo, l’un des plus vieux textes médical japonais, les exercices Do In sont décrits comme servant à dissiper les maladies du Ki et à rétablir un Ki harmonieux. Le Do In stimule l’ensemble des systèmes du corps humain : respiratoire, circulatoire, nerveux, digestif, hormonal, musculaire, articulaire.
De nos jours, le Do In est défini comme un art qui utilise une combinaison de mouvements respiratoires et corporels pour stimuler les points et activer le flux de Ki dans tout le corps 気の導引術.
Le mot art pour jutsu du kanji 術.
Il comprend principalement des mouvements du corps provenant de danse ancienne, des étirements et des techniques de respiration.
Il est globalement utilisé dans les maisons en famille ou dans des dojos où l'on pratique arts martiaux, kuatsu et shiatsu. En savoir plus sur les kuatsus
Le Do In n'est pas massivement utilisé par le peuple japonais ; celui-ci préférant s'adonner aux exercices de Taiso, l'authentique gymnastique nippone !
Il développe toutefois une certaine ferveur des aficionados nippons de la médecine orientale et de son approche préventive de la santé. Certains n'hésitant pas à vanter les mérites du Do In pour garder beauté ou jeunesse éternelle en l'élevant parfois au rang du culte mystique !
Naviguant ainsi entre modernité et approches holistiques dites énergétiques ou ésotériques où la guérison du corps humain pourrait s'effectuer de manière naturelle.
Les exercices Do In sont d'ailleurs souvent associés aux pratiques ésotériques ou religieuses. Citons par exemple le Misogi du kanji 禊 qui couvre une coutume rituelle issue du shintoïsme. C'est une purification spirituelle, une purification physique. La purification des "impuretés" s'opérant généralement en position assise sous une chute d'eau (cascade) ou en dansant dans un cours d'eau froide (mer). Le Misogi étant littéralement une "lustration" de l'âme. On arrive ici aux origines et à l'essence même de ces pratiques antiques consistant à essayer de se lier à son âme et s'unir au divin. Et oui, n'oublions pas que l'animisme est très présent sur l'archipel nippon, terre où se côtoient subtilement religions et nombre considérable de sectes !
Il paraît alors facile de l'associer comme discipline ou chemin d’accomplissement tels les arts comme le budo (voie guerrière, des arts martiaux), le judo (voie de la souplesse), le kyudo (voie de l’arc ou tir à l’arc), le kendo (voie du sabre), etc…
Enfin, Masunaga Shizuto Sensei rappelle dans ses études que ses exercices des méridiens (les fameux exercices zen visualisés) sont identiques aux exercices Do In car les mouvements accentuent le mouvement de l'énergie par le trajet des méridiens.
Le succès assuré à venir en Occident !
D'abord, le Do In peut se pratiquer presque en tout lieu, chez soi, au bureau pendant une pause, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il peut s’exercer dans les transports, voiture, bus, avion ou lors d'une promenade.
Il est facile d'accès et ne demande que peu d'efforts.
Une multitude d’enchaînements Do In existe et peut s'adapter à tous. Seul ou en famille, des enfants aux grands-parents ou entre amis.
Il n'exige pas de tenue et de matériel particuliers. L'usage d'un tapis ou le port d'un kimono ne sont donc pas obligatoires ; une simple tenue confortable et c'est parti !
De quelques minutes à plusieurs heures, on peut s’exercer dès le réveil pour préparer sa journée, au cours de celle-ci pour améliorer sa concentration, après son travail pour se détendre ou avant de dormir pour faciliter l'endormissement.
Enfin, il comprend des techniques graduelles : intensité, amplitude, précision qui apportent à coup sûr des bénéfices rapides et réels en terme de bien-être.
Quels sont les liens entre Do In et Shiatsu ?
A la question : existe-il des liens entre les pratiques Do In et Shiatsu ?
La réponse est oui.
Le shiatsu est une synthèse manuelle basée principalement sur la pression des paumes et des doigts et qui intègre des techniques issues du Do-In tout particulièrement les frictions et les étirements. Le Do In nous l'avons défini ci-dessus.
A la question : le Do In vient-il du shiatsu ?
La réponse est non.
C'est plutôt le contraire.
Parmi les origines du shiatsu qui s'est construit lentement et qui a nettement été influencé par l'incontournable Amma puis par diverses techniques d'Orient : Ampuku et Do In puis d'Occident : chiropraxie, ostéopathie. Et qui continue son évolution.
A la question : faut-il faire du Do In pour faire du shiatsu ?
La réponse est oui et non.
Pratiquer le Do In permet d'améliorer son shiatsu. J'ajouterai volontiers que tout praticien professionnel shiatsu peut pratiquer le Do In pour parfaire son attitude mentale, sa posture physique et pour se préparer : échauffements, réveil et conscience du corps. Cela ne peut donc qu'influencer positivement le fait de donner quotidiennement des soins shiatsu. Mais d'autres méthodes corporelles peuvent bien entendu être effectuées : arts martiaux, danse, taiso, yoga, etc.
En résumé
Le Do In est le yoga japonais qui vient de Chine. C’est un art ou une danse avec des mouvements favorisant la circulation des énergies. Il est une forme de gymnastique de santé comportant essentiellement des étirements et de la respiration permettant un regain d'énergie. Le Do In est l'exercice que l'on fait pour améliorer le flux de sa propre énergie.
Fragments des quarante quatre Figures de dǎoyǐn retrouvés dans une tombe Han située dans les grottes de Mawangdui (168 av J-C)
Série d'exercices Do In
Exercice recommandé pour les épaules raides et la fatigue du cou
Exercice recommandé pour les pieds
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