Du Shiatsu au Seiki : Frans Copers, itinéraire d'un pionnier du shiatsu en Europe
Auteur : Publié le 28/06/2019 à 08h39 -Frans Copers fait parti des pionniers occidentaux du shiatsu en Europe. Actuel chef de file du Seiki Do, il a étudié la médecine orientale dès 1970. Il a co-fondé la Fédération Belge de Shiatsu dont il a été le président de 1990 à 2002 puis a occupé les fonctions de secrétaire dans l'European Shiatsu Federation de 2003 à 2009 et président de 2010 à 2013. Retrouvez dans cet article une interview de Frans Copers : son parcours, son livre...
Entretien avec Frans Copers
Antoine Di Novi : Frans COPERS bonjour,
Merci beaucoup d’accorder une entrevue pour Shiatsu-France.com
Commençons si vous le voulez bien par votre parcours.
D’où venez-vous Frans ? Et comment en êtes-vous arrivé à l’étude et à la pratique du Shiatsu ?
Frans Copers : Il y a presque un demi-siècle, j'étais étudiant en médecine à l'université de Gand. Je fréquentais le premier restaurant végétarien / macrobiotique de la ville où j'ai rencontré le jeune docteur Marc Van Cauwenberghe qui revenait juste de Boston en Amérique où il avait étudié la macrobiotique (Washoku: diététique Japonaise) avec Michio et Aveline Kushi. C'était mon premier contact avec la philosophie et la médecine orientale. Quoique sceptique au début, son discours a attiré mon attention.
Il donnait des conférences que j'ai commencé à suivre et, de plus en plus fasciné, j'ai décidé de changer de direction. J'ai arrêté mes études et je suis parti aux USA (1972) pour en apprendre d’avantage. Là au Centre Est Ouest il y avait également des cours de Shiatsu avec Bill Painter et Michio Kushi, que j'ai suivi par curiosité, mais seulement pour pratiquer en famille et entre amis.
Je suis resté là-bas six mois. Puis je suis revenu en Belgique pour gagner plus d’argent et l’année suivante j’y suis retourné pour de nouveaux cours de Shiatsu, cette fois avec Shizuko Yamamoto sensei. En tout j'ai suivi plus ou moins ce que l'on pourrait considérer de nos jours comme une première année d’étude. J’y ai également suivi avec grand intérêt des séminaires sur la médecine chinoise et l'acupuncture.
De retour d’Amérique, j'ai ouvert un restaurant Macrobiotique (Sou En), mais chaque fois que j’en avais l’occasion, j'allais suivre des cours de Shiatsu un peu partout en Europe. A l’époque, il n'y avait pas encore d'école qui enseignait le Shiatsu.
En 1984, après 7 années de labeur, j'ai vendu le restaurant qui rencontrait un franc succès. Avec cet argent je suis parti au Japon presqu’un an. J'ai étudié au centre Iokai (Zen Shiatsu) de Masunaga avec Kimura sensei, et je me suis entrainé en Aïkido en suivant des cours de Washoku avec entre autres Lima Ohsawa...
De retour en Belgique, j'ai commencé ma pratique de Shiatsu et j’ai créé une école et une fédération (FBS) qui a enfin adhéré à la ESF ou European Shiatsu Federation. Dans ces fédérations j'ai occupé pendant plusieurs années alternativement les postes de secrétaire et de président.
Durant cette période tant en Belgique qu’au Japon j'ai eu la chance de rencontrer plusieurs maitres de Shiatsu comme Kawada, Iwaoka, Harada, Fujisaki et finalement Kishi sensei.
Pendant plus de 20 ans, j'ai été un membre actif de la direction d'une organisation qui faisait du lobbying pour les médecines douces au niveau européen, EFCAM ou "European Federation for Complementary and Alternative Medecine."
ADN : Que représente le Shiatsu pour vous et comment le définiriez-vous ?
FC : Le shiatsu est ma profession et est devenu de plus en plus le but de ma vie.
Définir le shiatsu n'est pas facile, parce qu'il y a tant d'écoles et de styles différents. C'est pourquoi je vais me limiter à reprendre la définition du ministère de la santé Japonais:
« Le Shiatsu est une forme de manipulation par les pouces, les doigts et les paumes de la main, sans utilisation d’instrument. Il s’agit d’effectuer des pressions sur l’épiderme afin de corriger les déséquilibres internes, d’améliorer l’état de santé et de traiter des problèmes spécifiques ».
ADN : Vous êtes très connu dans le "monde" du shiatsu mais aussi comme représentant et formateur de la méthode Seiki.
Frans, parlez-nous s’il vous plait du Seiki.
FC : Le Seiki (Soho) est une méthode développée par Kishi sensei, un maitre de Shiatsu formé au Japan Shiatsu College à Tokyo et à l'Iokai de Masunaga Sensei où il a aussi enseigné pendant une dizaine d'années.
Après une sorte de crise personnelle (burn out?) il s'est mis à la recherche des origines du Shiatsu à travers le Shinto (religion traditionnelle unique au Japon) en étudiant plusieurs méthodes comme le Seitai de Noguchi sensei et toutes sortes de traitements manuels, comme le Anma, Ampuku, Te ate... De tout cela, il a créé le Seiki, que j'oserais décrire comme une méthode inspirée de l'esprit Zen et minimaliste, utilisant le principe de Wu Wei ou Faire par le non Faire, ou Faire de façon naturelle et spontanée...
ADN : Quels sont pour vous les principes essentiels pour être un bon praticien en Seiki ?
FC : En Seiki l'entrainement est simple et il y a peu de théorie. Il faut surtout beaucoup pratiquer pour développer son ressenti. L’attitude juste est importante : un bon cœur et beaucoup d'empathie et de respect (Reigi saho), rester modeste et pratiquer le Sho shin (l'esprit du débutant). Le praticien est au service du client / patient, dont on respecte l'autonomie et la liberté absolue.
En Seiki on travaille selon le principe Ishin Denshin, de cœur à cœur, d'esprit à esprit. Comme une étudiante le disait l’autre jour : "En shiatsu on touche le corps, en Seiki on touche le cœur."
ADN : Frans, quelles sont pour vous les différences majeures entre la pratique du shiatsu et la pratique du seiki ?
FC : Comme je viens de le dire, en Seiki peu de théorie, mais beaucoup de travail. Quoique travailler c'est beaucoup dire. En général, pratiquer le Seiki est aussi agréable que de le recevoir...
On pourrait dire qu'en Shiatsu on essaie de faire changer les choses, en Seiki on laisse le changement se produire. En shiatsu on cherche l'équilibre, en Seiki on cherche le mouvement.
En Shiatsu on traite des symptômes, des problèmes, en Seiki on traite une personne, un peu comme l'homéopathie classique.
ADN : Est-ce qu’il y a des personnalités qui vous ont marqué dans votre pratique ? Des maîtres japonais sûrement ? Des personnalités françaises, américaines… peut-être ?
FC : Dans ma pratique, j'ai surtout été marqué par les maitres Japonais que j'ai mentionné précédemment. Plus tard j'ai rencontré pas mal de collègues occidentaux, que j'estime et respecte beaucoup, mais j'ai principalement été formé par mes sensei japonais.
ADN : Vous animez des stages dans de nombreux pays ! A travers tous ces voyages professionnels vous devez, j’imagine vous immerger dans des cultures très diverses.
Est-ce que vous avez remarqué des dissemblances ou des similitudes dans tous ces pays à propos de la diffusion des méthodes de santé japonaises shiatsu, seiki ?
FC : J'ai remarqué que partout dans le monde les praticiens de Shiatsu, macrobiotique, Seiki, Seitai etc. sont très dévoués et enthousiastes, parfois de façon un peu naïve et amateuriste, quoique cela n'est pas forcément un inconvénient.
Ils se débrouillent comme ils peuvent dans la situation sociale et politique de leur pays, où le quotidien est parfois très différent, même ici dans la Communauté européenne. Partout ils essayent -au moins- d'obtenir le droit de pratiquer, avec un certain succès heureusement.
ADN : Est-ce que vous pratiquez une activité annexe comme un sport, une gym peut-être ? un art martial ? de la méditation ?
Si oui, quelles sont ces activités ? et que vous apportent ces pratiques ?
FC : J'aime le sport en général, surtout la natation et je pratique l'Aïkido qui est basé sur les mêmes principes que le Shiatsu et qui m'aide à rester en forme. Dès que j’en ai l’occasion, je participe à des démonstrations de Cha Do ou cérémonie du thé, une pratique que je souhaite approfondir dans le futur.
Je réalise des exercices tous les jours et j'inclus des moments de silence et de respiration.
En fait, en Seiki chaque traitement est une méditation et si Harada shinsei -prêtre Bouddhiste et maitre en Shiatsu Jigen Ryu et en arts martiaux (Jiu Jitsu)- a raison quand il dit "la méditation c’est juste respirer comme Buddha ou comme un enfant", alors je médite toute la journée.
J’ai aussi une bonne alimentation, inspirée des principes de la Macrobiotique. Une autre discipline du hara.
ADN : Selon vous, quelle place occupe actuellement des disciplines comme le shiatsu et le seiki en Belgique ?
FC : Le shiatsu en Belgique n'est toujours pas fort connu, malgré les efforts de la Fédération Belge de Shiatsu -dont j'étais un de fondateurs-, mais parmi les gens qui le connaissent, il a une bonne réputation.
Nous sommes tolérés par la médecine et la politique et pour la plupart de mes collègues cela est suffisant.
Peut-être doit on cela aux efforts de la FBS qui s'est officiellement fait reconnaître par l'Etat Belge comme organisation professionnelle. Ainsi nous avons réussi à éviter des persécutions et des procès juridiques, comme il y en a eu en France, en Allemagne et en Italie.
ADN : Avez-vous noté des évolutions dans la société belge ou en Europe plus globalement depuis vos débuts et aujourd’hui ?
FC : Peu à peu, grâce aux efforts de plusieurs praticiens et enseignants de par le monde il y a eu une professionnalisation de la discipline.
Dans beaucoup de cas, cette évolution s'est produite par l'étude et la pratique intensive de la médecine chinoise. Une tendance parfois regrettée par les Japonais.
Il y a quelques temps la fédération de Shiatsu en Angleterre (UKSS ou United Kingdom Shiatsu Society) s'est même fait attaquer dans une lettre par une Japonaise qui commençait avec les mots: 'Arrêtez d'insulter le Japonais'! Cela devrait nous faire réfléchir et pourrait servir de réflexion sur la quintessence de notre profession.
Là ou cette évolution mène à des théories et enseignements de plus en plus complexes et sophistiqués, en Seiki nous avons choisi le chemin de la simplicité, Mushin ou esprit vide qui met l'accent sur la qualité du toucher et du lien au cœur.
Comme Namikoshi sensei disait : "Shiatsu no kokoro, haha no kokoro", ou "Le cœur du shiatsu est le cœur d'une mère". Trop souvent de nos jours la pratique du Shiatsu est devenue une pratique du père et plutôt paternaliste...
ADN : Vous animez des ateliers à Hong-Kong, au Québec, en France …. Rencontrez-vous des difficultés ou des contraintes en termes d’organisation ? Est-ce-que vous animez ces stages en anglais ou bien dans d’autres langues ?
FC : J'organise moi-même mes propres stages ici à Gand. dans le Kimura Shiatsu Institute, Les ateliers hors de mon centre sont organisés pas des personnes externes, des amis 'locaux', souvent aussi des collègues ou des étudiants en Seiki ou en Shiatsu, et parfois même par des écoles de Shiatsu. Ainsi, tous les problèmes pratiques sont résolus par les organisateurs et je ne dois pas trop m'en soucier. Une position bien confortable, je dois admettre.
Je donne mes stages en néerlandais, français et en anglais, parfois même (partiellement) en allemand. Alors jusqu'à présent je n’ai pas besoin de traducteur.
ADN : Que pourriez-vous conseiller aux Français qui aimeraient se former au Seiki ? Pour se former au Seiki doivent-ils d’abord connaître le shiatsu ou d’autres techniques manuelles japonaises ? chinoises ? etc… ?
FC : Pour apprendre le Seiki il n'est pas forcément nécessaire de connaitre une méthode japonaise quelconque. Le Seiki est ouvert à tous, thérapeute ou pas. Un intérêt pour la culture japonaise ou l'envie d'apprendre comment se soigner soi-même et un esprit ouvert sont suffisants. Connaitre le shiatsu peut être aussi bien un atout qu'un frein, surtout pour les gens qui s'attachent trop aux théories qu'ils ont étudiées. Parfois cela bloque la découverte, l'expérience et le ressenti.
Cela me fait penser à l'histoire du maitre Zen et du scientifique qui voulait l'interroger,
Au début de leur rencontre, le maitre sert le thé. Et il continue à verser du thé alors que la tasse du professeur est déjà bien remplie. Quand le thé commence à déborder et à couler sur la table au risque de mouiller ses vêtements, il sursaute et demande au maitre s'il ne voit pas que la tasse est déjà remplie.
Le maitre répond: "Bien sûr je le vois. Je ne suis pas aveugle. Mais la tasse est pleine de thé comme votre esprit est plein d'idées sur le Zen. Aussi longtemps que vous ne viderez pas votre esprit, tout ce que je vous dirai sera vain."
Peut-être que le Seiki, lui aussi, pourra aider à vider l'esprit pour le remplir d'idées fraiches.
ADN : Merci beaucoup Frans de nous avoir accordé ce temps de partage.
Mini Portrait Chinois de Frans Copers
Votre principal défaut ?
Impatience…
Votre occupation préférée ?
Voyager
Votre livre de chevet ?
The laws of human stupidity, by Carlo M. Cipolla
Votre film préféré ?
Dr. Strangelove, by Stanley Kubrick
Votre jour de la semaine ?
Tous égaux (Carpe diem)
Votre devise ?
Ne pas paniquer, ne pas dramatiser, ne pas plier !
Frans Copers, un "sacré" parcours :
En 1970, alors qu'il était étudiant en médecine, il a été initié à la médecine orientale et japonaise par le docteur Marc Van Cauwenberghe.
Fasciné par le potentiel de cette approche pratique et efficace, il a décidé de s'engager dans cette voie et de changer de direction. Il est allé à Boston étudier plus avant avec Michio et Aveline Kushi, avec Shizuko Yamamoto et beaucoup d'autres, et a découvert le Shiatsu.
Plus tard, après une aventure réussie en tant que cuisinier en chef dans son propre restaurant d’aliments santé, il s’est rendu au Japon pour développer ses techniques d’Aïkido au Hombu Dojo. Il a étudié le shiatsu au centre Iokai avec Kimura sensei.
De retour en Belgique, il rencontra d'autres professeurs de shiatsu japonais tels que Harada et Deguchi sensei (prêtres à Shitenoji, grand temple bouddhiste d'Osaka), puis il fut présenté à Kishi Akinobu, fondateur de Seiki Soho en 1992.
Depuis 1972, Frans Copers s’est formé au Shiatsu, à la Macrobiotique, au Seiki Soho, à l'Aïkido et à d'autres formes et technique d'art japonais et ceci auprès de certains des meilleurs maîtres de ces domaines. Parmi ses professeurs on retrouve notamment Michio et Aveline Kushi, Herman et Cornelia Aihara, Shizuko Yamamoto et Patrick McCarty, Wataru Ohashi, Susumu Kimura, Yuichi Kawada, Kojun Harada et Akinobu Kishi.
Il s'efforce depuis plusieurs années à intégrer les différentes approches de chaque style de shiatsu qu'il a étudié, en une approche cohérente et logique, toujours imprégné d’un grand respect pour les idées originales de toutes ces différentes écoles et pour l'origine traditionnelle japonaise de ces techniques. Depuis, il poursuit avec ses étudiants l'étude de la médecine japonaise et orientale et l'application de l’utilisation du KI dans la vie quotidienne, l'autoguérison et le traitement de ses patients.
Il a suivi et assisté Kishi Sensei lors d'ateliers et de congrès de shiatsu pendant environ 20 ans. Il a lui-même pratiqué et pensé la méthode pendant de nombreuses années.
Avant son décès, Kishi Sensei lui a demandé de continuer son travail. Depuis ce jour, Seiki est devenu son activité principale et il enseigne dans l’esprit de ce grand maître du monde entier.
Son livre sur le Seiki :
Retrouvez le guide pour les praticiens de seiki écrit en anglais par Frans Copers.
The Practice of Seiki - A Guide for Seiki Practitioners
Information and orders only by email: franscopers@skynet.be
Price: 30€ postage included Worlswide
La pratique du Seiki - "La vie en résonance"
Pour toute précision, contact par email : franscopers@skynet.be
Prix : 30 euros frais de port inclus
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