Roland Boudet, un maître shiatsu à Marseille
Auteur : Publié le 01/10/2019 à 07h23 -Shiatsu France a accordé en ce début de mois d'octobre 2019 une entrevue à Roland Boudet, instructeur et fondateur des académies shiatsu de Marseille/Aix Toulouse et Cannes/Nice. Roland Boudet est un maître de shiatsu et d'arts martiaux. Il a créé son courant martial et il forme les futurs professionnels shiatsu à un nouveau titre RNCP, le Technicien en Acupression et Shiatsu.
Interview de Roland Boudet
Antoine Di Novi : Bonjour Roland Boudet, merci d’accorder un entretien à Shiatsu-France.com
Roland Boudet : Oui, bonjour.
ADN : Pouvez-vous nous dire en quelques mots votre parcours et comment en êtes-vous arrivé au shiatsu ?
RB : Je suis arrivé au shiatsu par l’intermédiaire des arts martiaux. A l’origine j’étais professeur de judo, 4ème Dan de judo, de jiu-jitsu puis orienté vers le jiu-jitsu traditionnel il y avait du shiatsu pour les élèves pratiquants mais à l’époque il n’y avait pas d’école de formation en shiatsu. Je me suis alors orienté vers des écoles de médecine chinoise pour apprendre les méridiens, etc…Et j’ai eu la chance de rencontrer un maître japonais de judo, Ryosaku Hirano. C’était un très grand maître de judo (il est décédé malheureusement cette année le 26 mars) et aussi maître en shiatsu. Il a d’ailleurs étudié le shiatsu avec Namikoshi Sensei. C’est donc lui qui m’a fait connaître cette discipline de cette école, le shiatsu Namikoshi reconnu par l’Etat japonais dans les années 1950. J’ai commencé à travailler de manière empirique au départ puis après j’ai continué. J’ai été l’un des pionniers en France je pense, je n’étais pas le seul évidemment mais nous étions très peu à l’époque.
ADN : C’était en quelle année à peu près ?
RB : J’ai commencé à enseigner le shiatsu en 1998. Mais j’ai fait des formations en médecine chinoise notamment avant pour m’orienter vers le shiatsu par la suite. J’enseignais au début autour de moi, à mes élèves de jiu-jitsu, pas vraiment à titre professionnel. Puis au fur et à mesure, les demandes ont augmenté, la société a évolué. Il faut savoir que j’ai été l’un des premiers membres de la Fédération Française de Shiatsu Traditionnel.
ADN : D’accord
RB : Puis j’ai rencontré lors d’un stage international l'équipe de l’école Namikoshi dont les maîtres Onoda Sensei, Kobayashi Sensei, etc.. en région parisienne. Je me suis alors formé auprès de l’école Namikoshi Europa, le siège étant à Madrid, puis au Japon au siège.
ADN : Oui, Shigeru Onoda gère le centre européen Namikoshi à Madrid je crois.
RB : Oui j’ai fait son école à Madrid puis je suis reconnu avec Madame Gonzalès comme représentants du shiatsu Namikoshi et avons obtenu au Japon le titre de « docteur » en médecine japonaise. C’est-à-dire que nous avons les compétences requises pour diffuser cette forme de shiatsu qui est un shiatsu vraiment orienté vers la thérapie et pas que le confort et le bien-être comme le grand public le connaît.
ADN : Je comprends…Et vous avez une structure pour diffuser ce shiatsu, vous dirigez l’académie phocéenne ?
RB : Alors c’est mon dojo où j’enseigne effectivement le shiatsu mais aussi les arts martiaux comme le Ki Shin Tai Jutsu qui est un art martial que j’ai fondé en 1990 suite à mes recherches et formations notamment dans le jiu-jitsu du judo. Où j’étais à l’époque représentant PACA du judo/jiu-jitsu, je pratiquais différents styles de jiu-jitsu et j’ai préféré créer mon style, avec les éléments qui me paraissaient être le meilleur de chaque courant. Aujourd’hui le Ki Shin Tai Jutsu est une Fédération qui comporte une trentaine de clubs en France et aussi en Algérie et au Maroc.
ADN : Ah oui, en Algérie et au Maroc ?
RB : Oui et moi je suis le président de cette fédération et je continue à former des enseignants. Et maintenant on a incorporé dans certains examens à partir du 4ème degré justement des connaissances en shiatsu.
ADN : Très intéressant !
RB : Et en parallèle on a créé avec Marie-Josée Gonzalès la clinique de shiatsu et on a obtenu le titre RNCP une reconnaissance dans le domaine du thérapeutique. C’est une certification obtenue début 2019.
ADN : Oui c’est ce que j’avais noté effectivement.
RB : On a 3 écoles à Marseille, à Toulouse et à Cannes. Et d’autres écoles sont aujourd'hui intéressées pour être affiliées à notre titre.
ADN : A propos de votre art martial, quand je décortique les kanjis 気 心 体 術 c'est-à-dire Ki, Shin, Tai, Jutsu, je lis énergie, cœur ou esprit, corps, souplesse ou art...comment le traduisez-vous ?
RB : Il s’agit de la technique de l’énergie du corps et de l’esprit.
ADN : Voilà !
RB : Voilà ! C’est pourquoi il y a dans mon art martial un travail corporel, physique, sportif. On peut faire de la compétition, un peu comme dans le judo. Et la partie du corps et de l’esprit un comme le jiu-jitsu traditionnel qui permet d’avoir un équilibre physique et mental. J’ai voulu quelque chose de très complet. On voit parfois que le physique sans l’énergétique ou l’énergétique sans l’efficacité, et là, il y a les deux. Ce sont les deux facettes.
ADN : Et donc pour vous il y a un lien fort entre la pratique d’arts martiaux et la pratique du shiatsu ?
RB : Ah oui ! Et ben oui…on revient aux origines. Le shiatsu était pratiqué dans les écoles d’arts martiaux. Puis maintenant car le shiatsu est devenu autre chose. Mais à la base ce sont les pratiquants d’arts martiaux qui faisaient des techniques ressemblant au shiatsu moderne, pas tout à fait du shiatsu, une sorte de mélange de médecine chinoise, de massage appelé amma, etc. Même mon maître Ryosaku Hirano était dans cette posture. La première fois qu’il a exercé du shiatsu sur un élève cela m’a tout de suite interpellé. C’est vrai que j’ai toujours été attiré par ces domaines, la médecine chinoise, l’énergétique…Et donc aujourd’hui je me concentre sur le Ki Shin Tai Jutsu et à la pratique du shiatsu.
ADN : Justement par rapport au shiatsu, revenons si vous le voulez bien à votre titre RNCP. Pourquoi avez-vous choisi le terme d’acupression énergétique ?
RB : Parce-que le shiatsu est basé à 80% sur de l’acupression, un peu comme l’acupuncture mais au lieu de piquer, on va presser avec les doigts et la paume des mains. Dans le « vrai » shiatsu thérapeutique, on n’emploie pas autre chose que les doigts et les mains. Il n’y a pas de coudes, de genoux, de pieds, etc..
ADN : Cette idée est vraiment celle du courant Namikoshi !
RB : On peut appeler une séance massage shiatsu, cela va être relaxant, mais il faut que les points soient pressés convenablement pour avoir une certaine efficacité. Si on n’appuie pas assez, cela ne marche pas, si vous appuyez trop fort, vous avez mal donc c’est là où est la difficulté d’apprendre la thérapie shiatsu Namikoshi.
ADN : Et par rapport à Marseille, que pouvez-vous me dire ? Est-ce que les marseillais font du shiatsu ?
RB : C’est vrai qu’il y a des écoles qui pensent faire de la thérapie mais leur formation ne suffit pas à mon sens. Il y a beaucoup de shiatsu de bien-être, de confort.
ADN : Vous faites vraiment la différence entre shiatsu bien-être et shiatsu thérapeutique. Si je comprends bien, pour vous seul le shiatsu Namikoshi est réellement un shiatsu thérapeutique ?
RB : C’est vrai que la plupart des écoles en France font du shiatsu Masunaga mais le shiatsu Masunaga qui a été enseigné en France c’est-à-dire que malheureusement ce n’est pas structuré, comme l’école Namikoshi. Vous voyez ?
ADN : Oui, je vois ce que vous voulez dire.
RB : Donc c’est parti un peu dans tous les sens, vous prenez diverses écoles de « Spécialiste shiatsu » par exemple, et il y en a aucun qui va faire pareil. Vous savez, vous-même, en tant que pratiquant d’arts martiaux qu’un kata c’est quelque chose de « rigide », que l’on ne peut pas transformer. Et c’est le point faible de beaucoup d’écoles françaises. Pourtant même le shiatsu de Masunaga comporte aussi des katas. Je ne remets pas en cause le shiatsu Masunaga, pas du tout. Shizuto Masunaga avait d’énormes compétences. Il fait d’ailleurs des premiers maîtres shiatsu à être venu en France ou en Europe. Il l’aurait importé. Mais importé comme le judo a été importé à l’époque. Par exemple, le judo a été notamment implanté en France par Kawaichi Sensei avec une méthode particulière, une sorte de méthode « française ».
ADN : Qui s’adapte à la culture française en quelque sorte ?
RB : En fait, il faut bien comprendre que la vision empirique de l’époque n’a pas été forcément assimilée. Les praticiens ne font pas la relation avec le shiatsu originel. La connaissance de la MTC (médecine traditionnelle chinoise) est une chose mais savoir comment la mettre en pratique en est une autre. Certes, il y a bien entendu des praticiens et des écoles de shiatsu qui sont dans la lignée de Masunaga comme à Toulouse Madame Perrichon.
ADN : Je n’ai pas connu les débuts du shiatsu en France et ces moments historiques mais c’est vrai que j’effectue des recherches, je m’intéresse comme vous le savez vivement au shiatsu, et j’ai quelques échos notamment du Iokai Japan dirigé par Haruhiko Masunaga, fils de Shizuto Mazunaga..
RB : Oui c’est vrai que le fils de Masunaga a les connaissances requises pour appliquer le shiatsu de son père. Il faut savoir que Masunaga Sensei a fait des études shiatsu auprès de Namikoshi Sensei.
ADN : Oui d’ailleurs comme un grand nombre de maîtres et fondateurs de leur style. On pourrait presque dire tous. D'ailleurs même les enseignants japonais actuels qui développent leur méthode en intégrant leur technique et surtout leur personnalité se forment souvent et d'abord au shiatsu Namikoshi.
RB : Je crois que seul Okuyama Sensei le fondateur du Koho Shiatsu n’a pas fait l’école Namikoshi mais il s’entendait très bien avec lui. D’ailleurs, pour moi c’est l’un des précurseurs du shiatsu au Japon.
ADN : Le Koho shiatsu est un shiatsu pour les personnes robustes !
RB : Oui et d’ailleurs quand Okuyama Sensei est décédé, le Koho Shiatsu a perdu en France, comme le shiatsu Masunaga, toute sa structure ; c’est parti dans tous les sens !! Nous, dans notre académie on va tous les 2 ans dans l’école Namikoshi, on se consacre à l’enseignement du vrai protocole, des katas. Le kata c’est le même, qu’il soit fait à Marseille, à Madrid ou au Japon, on trouve le même kata shiatsu.
ADN : Oui c’est sûr.
RB : Et oui, les katas c’est la base. Car après pour faire de la thérapie, il faut être capable d’utiliser des parties du kata par rapport à la demande du patient, de son besoin.
ADN : Très bien, j’ai vu que Onoda Sensei venait à Marseille ?
RB : Oui. Il vient tous les 2 ans en moyenne.
ADN : Je vous remercie beaucoup pour cette interview Roland Boudet,
RB : Et bien merci à vous.
Titre RNCP
Petit à petit le shiatsu se fait une place dans la société française. Aussi, un titre RNCP est une reconnaissance professionnelle auprès de la chambre des métiers ce qui marque une étape sociale et juridique.
Aujourd'hui plusieurs titres RNCP existent, le Syndicat Professionnel de Shiatsu propose par exemple le titre de "Spécialiste Shiatsu" et l'Académie le titre de "Technicien en acupression énergétique et Shiatsu".
En savoir plus sur le titre RNCP shiatsu
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