Entretien avec Hiroko Mizuguchi, de Nara au Japon, à Reims en France en passant par Shanghai en Chine.
Auteur : Publié le 12/11/2021 à 19h35 -Comment valoriser le shiatsu ? En en parlant le plus possible d’abord. En mettant en lumière des personnes d'exception : experts, professionnels de renom ou simplement débutant souhaitant partager leur expérience. Dans cet article retrouvez notre entretien avec Hiroko Mizuguchi, une femme japonaise enjouée née au Japon, qui a vécu en Chine et qui vit aujourd’hui en France. Parler à la fois le japonais, le français et le mandarin aide assurément à comprendre les subtilités du shiatsu...
Entretien avec Hiroko Mizuguchi
Antoine DI NOVI : Hiroko-san bonjour, hajimemashite (enchanté)
Hiroko MIZUGUCHI : Bonjour Antoine ! Hajimemashite.
ADN : Merci de nous accorder une entrevue. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? Où êtes-vous née au Japon ? Depuis quand vivez-vous en France ?
HM : Je suis née à Nara, une ville située dans la région de Kansai, à 40 km de Kyoto. Mes parents sont originaires de la ville de Kyoto. Nara et Kyoto sont les deux anciennes capitales impériales du Japon. Leurs parents étaient tous les deux des artisans de Kimono et Obi (Ceinture pour Kimono) de Kyoto appelé « Nishijin Ori ». J’ai appris le français à l’Université des études étrangères de Kyoto. Je suis arrivée en France fin 2014.
ADN : Vous avez étudié le shiatsu à l’Ecole de Do-In et de Shiatsu de Toshi ICHIKAWA je crois ?
HM : J’ai appris le Shiatsu et le Do-In avec Toshi Sensei pendant 4 ans. Une amie m'avait parlé de cette école et de Toshi Sensei pendant mon stage de méditation à Kyoto en 2015. J’ai donc décidé d’aller rencontrer Toshi Sensei dans son école à Montparnasse à Paris. L’ambiance de l’école est conviviale, paisible et sans jugement. La vraie richesse de cette école est que chaque enseignant apporte son vécu et son Shiatsu sans distinguer le style Namikoshi ou Masunaga. La transmission de la philosophie du Shiatsu, la respiration, l’importance de Do-In de la part de mes enseignants sont mes outils au quotidien pour bien entretenir une bonne humeur et une bonne santé.
ADN : L’envie de faire du shiatsu est-elle lointaine ou plutôt récente ?
HM : Tout d’abord, j’avais toujours pensé que le travail devait être quelque chose qui nécessite des efforts importants. Comme le Shiatsu fait partie de mon quotidien d’enfance et de mes plaisirs, je n’avais pas imaginé que cela pourrait devenir mon métier :) J’ai toujours aimé depuis mon plus jeune âge passer du temps à lire les livres de bien-être. Les gens m’appelaient « Otaku de bien-être » au lycée ! Le mot Shiatsu me rappelle le moment du toucher de ma famille japonaise. Cette mémoire est un bonheur et une joie que je garde dans mon cœur. Ensuite, j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus aux techniques manuelles quand j’habitais en Chine. C’est ainsi que j’ai appris la réflexologie chinoise à Shanghai. Depuis mon séjour en Chine, j’avais de plus en plus envie de m’approfondir sur les disciplines de bien-être, y compris le Shiatsu.
ADN : Avant de venir en France, avez-vous rencontré et étudié avec des Maîtres shiatsu au Japon ?
HM : Oui, j’ai été soignée par les shiatsushis dans mon adolescence quand j’ai pratiqué la gymnastique artistique au collège et au lycée. Depuis quelques années, je rends visite Maître Haruhiko Masunaga au centre Iokai et je reçois une séance à chaque fois que je rentre au Japon. Un jour où j'avais pris rendez-vous pour une séance, il donnait un cours pour les futurs shiatushis japonais. Il m’a proposé de me joindre à ce cours. J’y ai donc participé et ceci reste une des plus riches expériences de mon parcours. Je compte rencontrer davantage de shiatsushis japonais au Japon prochainement pour apprendre les différents points de vue.
ADN : J’ai lu que vous aviez vécu également en Chine. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce séjour ?
HM : J’ai vécu à Shanghai pendant 8 ans car mon conjoint y travaillait. Au début, j’étais perdue dans cette civilisation. Je me suis dit que je me trouvais dans un endroit plus lointain que la France. J’avais déjà appris la base de la langue chinoise à l’université au Japon mais y vivre n'est pas la même chose ! Je me suis sentie plus à l’aise après un apprentissage intensif du Chinois et de la civilisation chinoise. Shanghai est une ville cosmopolite où les gens de toutes les nationalités vivent et travaillent ensemble. La mentalité des shanghaiens est vraiment ouverte. J’ai beaucoup apprécié cette ambiance d’accueil, de vitalité et de croissance. Je garde toujours contact avec mes amis chinois, mon sensei de la réflexologie chinoise et mon médecin de la médecine chinoise.
ADN : Vous parlez ainsi le mandarin. Est-ce pour vous nécessaire de parler chinois pour apprendre le shiatsu ? Je pense notamment à l’étude des points avec leurs idéogrammes ou de ce que l’on appelle communément la médecine traditionnelle chinoise.
HM : Je parle le Chinois uniquement au moment où je pratique le shiatsu sur les receveurs chinois. La réponse dépendra de la définition du Shiatsu de chacun. La connaissance des autres civilisations m'apprend énormément dans la vie de tous les jours. Elle m’apporte plus de curiosité et de joie. C'est vrai que la langue chinoise me sert à comprendre plus facilement les significations originaires des points. Cela me permet aussi de chercher les divers documents en chinois ou d’écouter une conférence des herboristes ou médecins chinois du monde entier en ligne pour connaître les raisonnements ou philosophies de la médecine traditionnelle chinoise.
ADN : Vous exercez dans un centre pluridisciplinaire, le Centre Renaissance où se trouvent des professeurs de Yoga, des coaches en nutrition, des sophrologues. Est-ce pour vous un atout de travailler dans un tel lieu où se côtoient diverses activités libérales ?
HM : Oui complètement. Il est important pour moi que mes clients sachent qu’il y a divers métiers qui peuvent les accompagner non seulement le Shiatsu mais d’autres disciplines. Je félicite toujours mes clients pour leur 1ère séance au Centre. Je suis contente pour eux car ils prennent le temps de venir au Centre pour leur santé. J’explique que le Centre est un lieu de sécurité, de confort et d’accompagnement. Je parle aussi du travail de mes collègues professionnels à mes clients et je les avertis que nous sommes tous là pour eux. Entre collègues, nous échangeons régulièrement. Une bonne ambiance règne dans le Centre. Ils parlent aussi du Shiatsu avec leurs clients. J’espère qu’il y aura de plus en plus de thérapeutes ou de soignants qui découvrent le shiatsu et qu’il y aura de plus en plus de thérapeutes en bonne santé.
ADN : Je crois que vos collègues ne sont actuellement que des femmes. Où sont les hommes ?! [rires]
HM : rires !!! C’est vrai que nous sommes actuellement toutes des femmes. Nous pouvons sentir une très belle énergie dès qu’on met les pieds au Centre Renaissance. Donc les hommes sont évidemment les bienvenus ! Il y a des avantages et des inconvénients pour tout. Il est rassurant probablement pour certaines catégories de clients de me trouver au cabinet car je suis une femme et aussi une maman.
ADN : Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement de ce Centre ? Pourquoi avoir choisi ce lieu pour exercer professionnellement ?
HM : Ce Centre se trouve au centre-ville de Reims, à 5 minutes à pied de la gare de Reims Centre. Si vous êtes de Paris, vous arrivez en 45 minutes en TGV de la gare de l’Est, 2 heures de trajet direct de Bruxelles. Ce Centre a ouvert ses portes en octobre 2020. Il propose les soins de bien-être tels que le drainage lymphatique, la réflexologie, le massage bien-être, le conseil d’alimentation, le reiki, la sophrologie et le yoga au grand public. Il est ouvert 7 jours sur 7 de 8h à 22h. Nous organisons des ateliers le week-end. J’ai déjà organisé un atelier Cycle féminin avec ma collègue de Reiki qui a eu du succès. J'organise donc régulièrement des ateliers. Un deuxième atelier Cycle féminin est prévu le 2 octobre prochain. Nous avons aussi un partenariat avec une entreprise de location d’appartements de haute gamme pour proposer nos prestations. J’ai toujours voulu travailler avec les autres thérapeutes. Personnellement j’apprécie beaucoup la réflexologie, le massage, l'acupuncture, la moxibustion et la ventouse. Je garde une bonne santé équilibrée grâce à tous les professionnels de ces disciplines depuis longtemps. Mon vécu avec ces professionnels de soin m’a orienté naturellement vers ce choix d’être entourée par des professionnels comme mes collègues du centre Renaissance.
ADN : Vous vivez donc à Reims. Les rémois connaissent-ils le shiatsu ? Qu’en pensent-ils globalement ?
HM : Oui, il y a de plus en plus de monde qui connait le nom du Shiatsu. C’est aussi grâce à mes collègues. Merci les filles !! :) La plupart des rémois n’ont pas encore reçu les séances donc ils n’ont pas vraiment l’idée de la nature du Shiatsu. Certains de mes clients viennent de la part de leurs médecins qui leur ont proposé des médecines alternatives telle que la MTC. (Le Shiatsu n’est pas une médecine complémentaire ou “alternative” au Japon bien évidemment.). J’utilise les mots faciles à comprendre pour que la philosophie du Shiatsu soit intégrée au fur et mesure dans leur vie quotidienne. J’essaie de donner une impression que le Shiatsu n’est pas quelque chose de compliqué et d'étrange :) La plupart de mes clients reviennent régulièrement pour le suivi. Après plusieurs séances, mes clients ressentent qu’il y a des améliorations de leur qualité de vie. Donc ils gardent une bonne impression sur le Shiatsu.
ADN : Avez-vous une population particulière : femmes enceintes, enfants, sportifs, personnes avec des pathologies spécifiques ?
HM : Ma clientèle est composée de femmes enceintes, d'enfants de jeune âge (de 2 à 18 ans), de danseurs professionnels, sportifs, musiciens, médecins, sage-femmes, infirmières etc. Plusieurs personnes ont une forte tension au bassin et aux épaules. Certains souffrent de la dépression et du souci lié au sommeil. J’accompagne aussi une personne dans une maison de retraite. Je visite aussi les femmes enceintes à domicile. Certains viennent d’autres régions comme les Ardennes ou la région parisienne.
ADN : Pratiquez-vous d’autres activités que le shiatsu comme le Do In par exemple ?
HM : Je pratique le Do-In régulièrement, au moins une fois par jour et la natation d’une heure ou plus par semaine. Je cultive un potager avec ma famille. C’est un vrai sport n’est-ce pas mes amis jardiniers :) Je pratique aussi la calligraphie qui me passionne. Il y a une vraie ressemblance de l’état d’esprit entre la calligraphie et le Shiatsu. C’est une cure d’esprit pour moi.
ADN : Vous avez déjà reçu des soins shiatsu au Japon et en France j’imagine, que pourriez-vous dire à ce sujet. Voyez-vous des différences culturelles dans la pratique du shiatsu entre les deux pays ?
HM : Oui, j’adore donner le shiatsu mais aussi le recevoir. Recevoir une séance de Shiatsu est aussi un loisir pour moi. Je ne peux pas généraliser ce point de vue car je sens que je n’ai pas reçu assez de séances en France pour analyser les différences culturelles de shiatsushi. J’ai l’impression que les shiatsushis au Japon ont l'air plus détendus et plus légers. Les shiatsushis que j’ai rencontrés au Japon sont très à l’écoute et sont attentifs aux résultats de la séance. Ils ont aussi de la légèreté et de la gaieté. A chaque séance, j’étais plus joyeuse après la séance avant d’arriver au cabinet grâce à leur technique mais aussi à leur bonne humeur. Un cabinet de Shiatsu en France est souvent joliment décoré avec les petites touches asiatiques style « espace bien-être ». Cette présentation me rappelle les salons de massage bien-être au Japon. Le cabinet de Shiatsu que j'ai fréquenté était un lieu très simple où le shiatsushi met toujours les mêmes T-Shirt :) Peut-être qu'il avait plusieurs T-Shirts pareil ! Je pense que les clients en France attachent beaucoup d’importance à l’accueil dans un cadre raffiné et de beauté. J’apprécie beaucoup cette manière de présenter et proposer le Shiatsu dans la société française. Ainsi, j'espère que le Shiatsu sera plus accessible au grand public et à la jeune génération qui prennent conscience que leur beauté vient de leur bonne santé grâce au Shiatsu.
ADN : Quand vous viviez en Chine, avez-vous eu le temps de recevoir des massages ? Si oui quelles convergences ou vraies dissemblances voyez-vous avec le shiatsu japonais ?
HM : Ah oui, c’est une des choses qui me manque énormément. Je fréquentais plusieurs fois par mois pour garder le bien-être. Quand j’avais un petit souci de santé comme au début d’un rhume, j'y allais deux fois par semaine. Le massage chinois est différent du shiatsu japonais. Les masseurs en Chine sont la plupart des non-voyants alors qu’au Japon actuel, il y a beaucoup de shiatsushis voyants. Les masseurs chinois proposent rarement le suivi après la séance alors que les shiatsushis proposent dans certains cas le suivi régulier. Les masseurs chinois ont tendance à essayer de répondre à la demande du client en une séance alors dans le monde de Shiatsu, nous essayons d'améliorer la vie de la personne au fil du temps. Ce qu’il faut retenir, c’est que les clients en Chine anticipent d’aller quand ils sont en bonne forme alors qu’au Japon, les gens ont la tendance à y aller au cabinet de Shiatsu quand il y a un souci particulier comme insomnie ou lombalgie. Le marché du massage et du bien-être est largement populaire au Japon. Les japonais d’aujourd’hui se différencient donc entre les massages de bien-être et le Shiatsu thérapeutique.
ADN : Connaissez-vous d’autres praticiens ou spécialistes en shiatsu français ? Que direz-vous à propos de l’organisation et de la pratique du Shiatsu en France ?
HM : Oui, je connais certains spécialistes comme Guy Van Huyen à Paris et mes enseignants-praticiens de mon école. Je connais aussi Carolina Cano et Claire Liagre qui exercent sur Paris. J’apprécie beaucoup leur qualité de toucher et leur posture d’écoute. Je trouverai l’occasion avec grand plaisir de rencontrer les spécialistes en Shiatsu et les praticiens en France et dans les pays francophones. J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de recherches réalisées sur les bénéfices du Shiatsu. Je pense que les shiatsushis sont un peu trop timides en France, que pensez-vous, Antoine :) Pour promouvoir le Shiatsu, je pense qu’il est essentiel de continuer les recherches et promouvoir notre métier de Shiatsushi. Ainsi, je souhaite qu’il y ait de plus en plus de population qui découvre un vrai gage de bonne santé grâce au Shiatsu en France.
ADN : Pour terminer, des petits conseils pour nos ami.e.s shiatsushi français et francophones peut-être ?
HM : Soyons amoureux de Shiatsu :) Faisons confiance en Shiatsu. Gardons une bonne humeur de gratitude et de simplicité. Pour moi, le Shiatsu n'est pas simplement l'art du toucher japonais. Le Shiatsu est une voie universelle d'harmonie interpersonnelle. Le Shiatsu améliore la santé, encourage la paix et crée l'harmonie.
ADN : Hiroko-san, je vous remercie sincèrement pour cet entretien. Arigato gozaimashita (merci beaucoup)
HM : Merci beaucoup à Antoine-san. Je souhaite à toutes les personnes qui prennent le temps de lire mon article de jouir d’une véritable paix et d’une longue vie saine. Antoine-san, venez découvrir Reims, nous allons visiter les caves de Champagne ensemble ! A bientôt !
Pour en savoir plus sur Hiroko : https://centre-renaissance-reims.fr/hiroko-mizuguchi-shiatsu
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