Barbara Aubry, una insegnante italiana di shiatsu in Francia
Auteur : Publié le 20/06/2021 à 16h56 -Il y a beaucoup d'associations à Paris mais peu d'entre elles accueillent régulièrement des professeurs du monde entier notamment européens. Connaissez-vous ce centre d'études parisien dirigé par une femme italienne shiatsushi ? Je m'entretiens aujourd'hui avec la fondatrice de l'école de l'Art du toucher, Barbara Aubry Anemone. Véritable passionnée des méthodes corporelles venues de l'Orient, Barbara est praticienne et enseignante. Telle une enquêteuse, elle expérimente et cherche les liens et les passerelles entre pratiques corporelles énergétiques et shiatsu.
Entretien avec Barbara Aubry Anemone
Antoine Di Novi : Bonjour Barbara, piacere !
Barbara Aubry : Ciao Antoine et merci pour votre invitation.
ADN : Merci de nous accorder cette entrevue sur Shiatsu-France.com
Pour commencer, pouvez-vous nous rappeler où vous êtes née ?
BA : Je suis italienne du sud de l’Italie (à Bari) et je ramène avec moi un peu de soleil de mon pays.
ADN : Ah, du soleil ! Nous avons tous besoin en ce moment et peut-être encore plus à Paris [rires]. Depuis quand vivez-vous en France ?
BA : Le temps passe vite. J’habite à Paris depuis 26 ans. J’avais seulement 23 ans et je ne parlais pas un mot de français quand je suis arrivée. J’ai rencontré mon compagnon de vie, le musicien René Aubry et depuis je suis là !
ADN : Très bien. Vous avez découvert le shiatsu en Italie ou en France ?
BA : J’ai eu ma première découverte du shiatsu en Italie lors de mes 17 ans.
Je pratiquais à l’époque l’Aïkido et un maître japonais nous avait montré des techniques pour traiter la tête (que je n’ai jamais oublié depuis) après un stage intensif. J’avais beaucoup aimé, c’était tellement naturel pour moi et également efficace. J’avais aidé plusieurs amis avec leur mal de tête, j’en étais moi-même étonnée. Mais ma vraie formation s’est déroulée en France.
ADN : Est-ce que vous avez étudié avec des Maîtres japonais ?
BA : Oui en fait je continue tout le temps à étudier, ça me passionne et on n’a jamais terminé d’étudier. Je me considère une éternelle étudiante.
Autrement oui, j’ai étudié avec plusieurs maîtres japonais (Morita, Masunaga, Tokuda, Ohashi), mais aussi des non japonais comme Susanne Yates, Stéphane Vien, David Ventura, Silvia Marchesa-Rossi. Ma formation la plus complète je l’ai reçue par Wataru Ohashi (fondateur de l’Ohashiatsu®, vivant à New York) et Silvia Marchesa-Rossi (créatrice du Zen-Stretching® et enseignante de shiatsu et de Jin Shin Do®).
Après mon diplôme à l’école d’aromathérapie shiatsu une école de style Namikoshi, je suis tombée sur une vidéo et le livre « Comprendre le langage du corps » de Ohashi. Sa façon de bouger me plaisait beaucoup, elle était fluide et élégante, très différente du style plus statique que j’avais reçu. Je me suis sentie en résonance aussi par l’approche théorique. J’ai cherché des centres de formation en France, mais il n’y en avait pas. J’ai donc invité une amie italienne instructrice Ohashiatsu®, puis j’ai décidé de monter le centre de formation Ohashiatsu® France ! J’ai consacré 8 années à ce projet. J’ai fait adapter tout le matériel et j’ai moi-même été diplômée en Ohashiatsu® en 2007. J’étais très proche d’Ohashi et je l’ai invité à Paris à de nombreuses reprises. Il m’a guidée dans le projet pédagogique et transmis son programme.
ADN : Beaucoup d’échanges, je vois... Vous dirigez et enseignez dans votre école « l’Art du Toucher ». Où est-elle située ?
BA : Après toutes ces années j’ai ressenti le besoin de concentrer mon énergie sur ma propre approche du shiatsu, nourrie par la diversité de mon parcours. Le centre « L’Art du Toucher » est né en 2004 et était un centre Sponsor Ohashiatsu® France au début. Depuis, il a évolué et a pris sa forme actuelle en 2012. Notre centre est situé à Paris dans le vingtième arrondissement.
ADN : Pourquoi avoir choisi ce nom « art du toucher » ?
BA : Tout simplement parce que pour moi le toucher est un art ! J’avais aussi à cœur de mettre le shiatsu dans une dimension artistique, et/ou en relation avec les artistes. Les artistes, particulièrement les danseurs, sont très réceptifs au travail énergétique. Je viens d’un milieu artistique et mon expérience de praticienne me prouve que le shiatsu inspire, soutient et facilite la création artistique.
ADN : Il y a des liens entre les pratiques corporelles, danse, arts martiaux, shiatsu… J’ai vu que vous proposiez des stages avec des personnalités venant du monde entier : Italie, Espagne, etc. Chaque intervenant apporte son style ou ses techniques a priori ? Quels sont les objectifs de ces stages ?
BA : J’ai reçu des enseignements très riches et j’aime beaucoup me nourrir d’approches pédagogiques différentes. Après la période Ohashiatsu®, j’ai eu envie de voir d’autres styles. J’ai développé un réseau international au fil de mon expérience, qui alimente ma curiosité sans fin. Aimant partager, j’invite des enseignants des quatre coins du monde pour transmettre leur pédagogie en France.
Chaque intervenant a une compétence spécifique, un point de vue. Les thèmes que je choisis de mettre en avant suivent mes recherches et s’appuient sur des approfondissements que je souhaite apporter à ma pratique ou au cursus que nous proposons à nos stagiaires.
Cette année par exemple, nous attendons :
- Carola Beresford-Cooke, qui vit en Angleterre, pour son dernier stage à Paris sur le thème du cycle féminin de la puberté à la ménopause (elle prend sa retraite cette année). Elle est l’auteure du magnifique livre « Théorie et pratique du Shiatsu » (une bible...).
- Gabriella Poli, qui pratique le quantum shiatsu en Italie, avec un stage sur la relation entre le shiatsu et les fascias.
- David Ventura, praticien du Movement Shiatsu en Espagne sur la relation entre la mâchoire, le diaphragme et le bassin.
- Silvia Marchesa-Rossi, pour un stage de Jin Shin Do®, des techniques d’acupression psycho-énergétique.
ADN : Eh bien, cela fait un programme 2021 dense !
Vous mettez en avant le shiatsu Masunaga et la méthode Ohashiatsu®. Le shiatsu que vous enseignez est un shiatsu des méridiens basé sur la médecine chinoise n'est-ce-pas ?
BA : Je base ma pratique sur le système Ohashi-Masunaga. Ohashi et Masunaga étaient amis et l’école d’Ohashi est inspirée du style Masunaga.
Ohashi a apporté une belle richesse dans la pratique au niveau du mouvement, l’état méditatif de la pratique, le bien-être du praticien grâce à l’utilisation du schéma croisé. Masunaga a développé le travail psycho-émotionnel sur le flux général des méridiens et la mise en relation des vides et des pleins d’énergie (appelés Kyo et Jitsu). Son style est appelé le Zen Shiatsu.
Les méridiens de Masunaga sont une continuité des méridiens de la médecine traditionnelle chinoise, qui reste le socle sur lequel le shiatsu est fondé.
Dans cette approche, nous utilisons bien sûr les points d’acupuncture (ou Tsubos), mais de manière moins protocolaire que d’autres styles de shiatsu. Nous mettons l’accent sur l’écoute empathique, la mise en connexion de points, de puissants étirements et l’activation des méridiens par pressions.
La théorie des 5 éléments reste omniprésente dans la compréhension des différentes qualités d’énergies et leurs mouvements. Mais nous sortons du mental pour être le plus présent possible au besoin du receveur pour une séance adaptée et personnalisée.
ADN : Oui le sujet des méridiens issus de la médecine chinoise comme socle du shiatsu est un débat à part entière ! Est-ce que vous pratiquez d’autres méthodes manuelles que le shiatsu ou d’autres techniques de la médecine traditionnelle japonaise ?
BA : Oui ! J’ai toujours besoin de compétences complémentaires qui se nourrissent les unes des autres. Dans mes 23 années de pratique, j’ai consacré une longue période au « structurel », en suivant des formations au massage thaï en Thaïlande avec maître Pichet (un enseignant unique et très reconnu pour son travail) et Osteothai (discipline développée par deux ostéopathes qui ont appliqué et associé les principes de l’ostéopathie au massage thaï), une discipline qui m’a beaucoup aidée à clarifier comment travailler en accord avec l’anatomie. J’ai également passé du temps autour de l’énergétique.
Actuellement ma recherche se base sur le mouvement, je suis une formation en initiation à la danse thérapie, qui m’apporte une liberté corporelle. On pourrait penser que c’est éloigné du shiatsu, mais en réalité cela permet de comprendre l’aspect des effets thérapeutiques de tout mouvement (psychique y compris).
ADN : Cela paraît riche effectivement et tellement diversifié ! Vous n’avez pas peur de vous « noyer » au milieu de tant de techniques ?
BA : Non, ma discipline principale est le shiatsu et c’est cela que j’enseigne, c’est le cœur. Mais je suis intéressée par l’humain dans ses différentes facettes et tout est complémentaire. C’est une recherche personnelle, un besoin d’avoir une vision globale.
La tâche est vaste et il me faudra plusieurs vies (je suis sûre que je continuerai jusqu’au bout dans cet élan) ! A l’heure actuelle j’étudie, je fais des liens et je recompose pour l’intégrer dans ma pratique et mon enseignement. Je cherche tout simplement à grandir autant personnellement que professionnellement. Et je pense que cela apporte une qualité supplémentaire à mon enseignement.
ADN : Dans votre école on parle donc autant de danse, de Zen-Stretching® que de shiatsu « traditionnel » et même de shiatsu aux pieds nus ?
BA : Oui, nous sommes assez éclectiques ! Saviez-vous que le sens du toucher et du mouvement sont les premiers créés et qu’ils fonctionnent ensemble grâce à leur relation par le biais du nerf vestibulaire ? Une bonne raison pour les associer n’est-ce pas ?
Toutes les techniques que nous enseignons sont complémentaires au shiatsu. Le point central est le shiatsu, auquel on ajoute une boîte à outil.
Le Zen-Stretching® par exemple est une méthode de rééquilibrage énergétique grâce aux étirements des méridiens inspirée du travail des exercices visualisés de Masunaga. C’est comme effectuer une séance de shiatsu par des tonifications où dispersion des méridiens, mais de façon individuelle et en mouvement. Il est très utile pour l’apprentissage des parcours des méridiens et pour conseiller des postures à des clients permettant de faire durer plus longtemps les effets des séances. Nous avons d’ailleurs monté avec Silvia Marchesa-Rossi un parcours de formation pour devenir facilitateur.
Pour ce qui est de la danse, c’est pour moi l’expression de la joie. La fluidité du travail d’Ohashi m’a toujours fait penser à une danse du bien-être. La danse est au service du shiatsu dans mon cas, un outil pédagogique. Ressentir son corps et l’emplacement des méridiens, utiliser son poids, la gravité, son centre (le Hara), comprendre les archétypes des 5 éléments… tout cela est perceptible par le mouvement dansé !
ADN : Pour l’anecdote je suis un fervent promoteur de ce que vous appelez « shiatsu aux pieds nus ». En fait, cela s’appelle en japonais ashi-atsu (pression des pieds) et l’art traditionnel se nomme « sokuatsu ». C’est très complémentaire au shiatsu car il permet d’appliquer des pressions denses et efficaces sur des personnes robustes et ce en limitant la fatigue et l’usure des articulations. Un vrai bonheur à donner et à recevoir !
BA : Oui moi aussi j’adore le travail du shiatsu aux pieds nus. Ohashi et Stéphane Vien l’enseignent merveilleusement bien. C’est un travail puissant et créatif, et il est très reposant pour le praticien. Dans ma pratique, j’inclus des techniques du massage thaï pour aller encore plus en profondeur.
J’utilise beaucoup le shiatsu aux pieds nus avec les athlètes et danseurs que je reçois, il me permet ce travail puissant face à des personnes très musclées.
ADN : Vous avez fondé je crois votre style shiatsu, le « sensitive » shiatsu ? Pouvez-vous nous expliquer ses caractéristiques ?
BA : Plus qu’un style c’est une pédagogie d’enseignement, libre, poétique, amusante et vivante !
L’approche Sensitive chérit particulièrement la vision du Setsushin, le toucher empathique de Masunaga. C’est un contact qui implique de se connecter à sa sensibilité primitive pour écouter et percevoir la nature profonde du receveur. Une écoute au féminin, reliée à ma sensibilité.
Après écoute des zones réflexes du dos ou du ventre, le praticien met en place sa séance, ce qui rend chaque séance unique. Le Sensitive Shiatsu utilise aussi les principes de la Médecine Traditionnelle Chinoise, en particulier l’approche des 5 éléments pour comprendre l’univers de chaque méridien, ses influences et comment les nourrir ou apaiser.
Le Sensitive Shiatsu est nourri par une vision féminine basée sur l’intuition, l’écoute et les sens.
Car pour moi, le shiatsu se pratique avec ses mains, son cœur, son intuition. Par le toucher, on entre dans une communication non verbale de cœur à cœur.
ADN : Quels sont selon vous les liens entre toutes ces pratiques corporelles ?
BA : Les liens sont nombreux, le shiatsu est le cœur, l’empereur, le Shen. Autour de lui, il y a sa cour. Toutes ces propositions de travail vont nourrir et soutenir le centre.
Dans la philosophie taoïste et donc shiatsu, il y a une continuité corps, esprit, émotions. Les dissocier n’a pas de sens car chacun est la résonance de l’autre. C’est pourquoi nous enseignons différents types de toucher à l’Art du Toucher :
- Le toucher structurel, un toucher qui mobilise le corps et qui agit sur la structure du corps (le squelette, les articulations, la mobilité en général) et les blocages physiques (douleurs, tensions, restrictions de mouvement).
- Le toucher émotionnel, un toucher doux et empathique qui travaille l’aspect psycho-émotionnel de la personne pour libérer sur un plan plus subtil les blocages et les émotions emmagasinés dans le corps.
- Le toucher énergétique, toucher léger et lent, centré sur l’écoute, la connexion des points, les polarités, qui agit sur les énergies profondes (méridiens, points d’acupuncture).
Ces trois touchers sont intégrés dans chaque séance pour un travail complet et harmonieux. Nous faisons appel à différents touchers pour trouver ce qui convient le mieux au moment de la séance. C’est pour cette raison que toutes les pratiques corporelles ont leur utilité.
ADN : Est-ce que vous animez des ateliers ou intervenez dans des lieux comme des associations, des hôpitaux ?
BA : Notre centre a développé plusieurs programmes de partenariats avec des universités et hôpitaux, permettant aux stagiaires de faire de premiers pas dans le milieu professionnel.
Nous avons 2 partenariats actuels :
- Des séances auprès du personnel médical de l’hôpital Tenon et de l’hôpital Trousseau à Paris.
- Des interventions shiatsu et massage sur chaise à l’université de Nanterre.
D’autres projets sont en cours. L’un porte sur les patients de l’hôpital Tenon, du shiatsu pour un groupe de femmes qui ont subi des mastectomies et qui sont suivies dans un groupe de parole animé par une psychologue et une infirmière. L’autre est d’accompagner un groupe d’enfants autistes au service pédopsychologie de l’hôpital la Salpêtrière ainsi que des ateliers de mouvement pour le personnel lors des journées de formation professionnelle.
ADN : Vous avez pratiqué en Italie, aux Etats-Unis et en France. Quelles sont pour vous les différences notables entre ces pays ?
BA : Même si la discipline ne change pas, la culture dans laquelle elle est transmise l’influence inévitablement. Certains codes culturels sont différents et on peut donc parfois mal interpréter les concepts théoriques. Mais en général tout se passe très bien.
Je ne pense pas qu’il soit possible de garder un pur style traditionnel. Pour moi, toutes ces influences culturelles enrichissent la pratique.
Cela étant dit, la pratique du shiatsu est sans frontières et universelle. On peut communiquer avec les mains de cœur à cœur sans parler la même langue.
ADN : Avant de terminer, auriez-vous d’autres points à ajouter ou des actualités à partager avec nos lecteurs ?
BA : Non, tout simplement j’invite les personnes curieuses de cette pratique à venir découvrir notre centre !
ADN : Merci Barbara pour ce temps de partage, grazie mille
BA : Grazie à vous Antoine pour le travail que vous faites pour faire découvrir cette belle pratique à un plus large public.
Stage à Paris avec Ohashi Sensei
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